Publié le : Jeudi 23 mars 2023 - 15:09

Le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest qui vise à faire évoluer l’offre de déplacements ferroviaires entre les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie en reliant par une nouvelle ligne à grande vitesse les métropoles de Bordeaux et Toulouse, et par ailleurs à relier la capitale néo-aquitaine et l’Espagne a franchi deux étapes significatives en 2022 : la signature d’un plan de financement à hauteur de 14 milliards d’euros et la création de la Société du Grand Projet du Sud-Ouest.

Sans méconnaître que ce projet ne fait pas l’unanimité et rencontre nombre de réserves voire d’oppositions franches, au regard des différents recours d’associations ou de collectifs d’élus et des remontées lors du processus d’enquête publique, le GPSO est présenté par ses promoteurs et ses soutiens comme un véritable enjeu stratégique pour la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie, et pour l’amélioration des déplacements vers le sud de l’Europe.

Les termes du débat et l’exercice sont complexes ; ce projet, comme d’autres grands projets d’infrastructures, se situe au cœur d’enjeux contradictoires qu’il est nécessaire de mettre en balance, entre :
- d’un côté la nécessité de développer les alternatives aux modes de transports les plus polluants pour limiter, entre autres, l’empreinte carbone liée aux déplacements ;
- et de l’autre, la tout aussi nécessaire sobriété foncière et protection de la biodiversité. La mise en balance des avantages attendus de la mise en service de LGV avec les différents impacts sur l’environnement est un choix politique, dont le CESER espère qu’il a été fait à l’aune des enjeux climatiques et énergétiques.

La contribution du CESER dresse l’état des analyses, réflexions et positions autour :

- Des enjeux environnementaux et de biodiversité. La réalisation des lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax se traduira par de forts impacts sur l’environnement qu’il ne sera pas possible d’éviter, de réduire ou de compenser totalement. L’emblématique vallée du Ciron pourrait à cet égard concentrer la contestation. Tout l’enjeu doit alors être d’en limiter au maximum l’empreinte par des mesures environnementales exigeantes et un suivi effectif de leur mise en œuvre et de leurs effets.

- Des enjeux énergétiques et climatiques. Selon les estimations du dossier d’enquête d’utilité publique, le bilan carbone serait négatif à court terme, avant de devenir positif à l’horizon des vingt prochaines années (dix ans de travaux et dix ans d’exploitation). Pour le CESER, à ce stade, la vitesse de réduction de la dette carbone, ainsi que la maîtrise de la consommation énergétique liée aux mobilités, sont directement liées à la massification du report modal.

- Des enjeux de mobilité au sens large. GPSO ne trouvera toute sa pertinence qu’à la condition de prendre toute sa place dans l’accélération du report modal vers le transport ferroviaire,
>> en améliorant significativement les déplacements du quotidien autour des métropoles bordelaise et toulousaine, ainsi que, plus généralement, en irriguant l’ensemble du territoire ;
>>  en renforçant le maillage ferroviaire structurant à l’échelle nationale et européenne.

Pour le CESER, l’enjeu doit aussi et surtout être de s’appuyer sur GPSO pour soutenir et développer le transport ferroviaire dans son ensemble. Le développement de l’offre à grande vitesse ne prendra tout son sens qu’à la condition de véritablement s’inscrire dans une stratégie globale et volontariste de report modal, d’intermodalité et de décarbonation des mobilités.

- Des enjeux territoriaux et financiers. L’arrivée de la LGV peut apparaître comme une opportunité de développement à différentes échelles de territoires…Mais ce n’est pas automatique ! L’arrivée de la LGV doit être anticipée et préparée, faute de quoi ses effets « naturels » de polarisation au profit des métropoles risquent de l’emporter. La capacité des acteurs à se fédérer, à coordonner leurs actions autour de projets de territoire, à intégrer la LGV dans leurs stratégies d’organisation ou de développement ou encore d’en anticiper les effets négatifs potentiels sera déterminante.

 

Estimé à ce stade à hauteur de 14 milliards d’euros, GPSO constitue enfin un investissement important pour les territoires qui s’y sont associés. Si les lois de finances pour 2022 et 2023, confirment des recettes fiscales attendues supérieures aux prévisions et si l’agglomération du Grand Dax a annoncé son entrée au plan de financement du GPSO réduisant d’autant le défaut de financement des collectivités néo-aquitaines (nouveaux éléments présentés en plénière de mars 2023), le CESER renouvelle ses attentes :

>> réactualiser les coûts du projet, pour tenir compte du contexte inflationniste, en précisant l’impact pour les financeurs ;

>> préciser le financement de la ligne Bordeaux-Dax qui n’est pas assuré, à ce stade, du côté de l’État ;

>> lever les incertitudes liées au financement : que se passera-t-il en cas d’absence de financement européen, ou à un niveau moins élevé que les 20% attendus ?

>> préciser l’impact de la « fiscalité GPSO » pour les ménages et les entreprises des territoires concernés et à interroger, au nom de l’équité territoriale, le critère géographique d’imposition retenu par le législateur.

Le CESER considère que le plan de financement conclu entre l’État et plusieurs collectivités d’Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine présente encore des zones d’incertitudes qu’il est nécessaire de clarifier et préciser.

- Et enfin des enjeux sociaux. Le marché du travail lié à la construction de grandes infrastructures est très particulier. Il conviendra de gérer le recrutement de plusieurs milliers de personnes, puis, quelques années après leur « décrutement » tout aussi massif et rapide. La création d’emplois locaux et la gestion de l’après-chantier constituent, pour le CESER, deux sujets sur lesquels il conviendra d’être particulièrement vigilant.

GPSO devrait par ailleurs modifier significativement les conditions de déplacement en Nouvelle-Aquitaine. Le premier enjeu est celui de l’accessibilité – physique, territoriale ou encore financière – des nouveaux services au plus grand nombre ; le second est celui de l’équité territoriale ; GPSO ne doit pas conduire à « sacrifier » les conditions de mobilité dans les autres territoires.

Un projet comme GPSO s’accompagnera, pour les populations des territoires desservis ou riverains, d’effets négatifs qu’il conviendra de maîtriser au mieux : impact sur le marché du logement et du foncier, qualité du cadre de vie fragilisée par des nuisances sonores, vibratoires ou paysagères, effets de coupure des voiries et réseaux… autant de sujets qui devront être pleinement pris en considération dans le calage final du projet.

Sans trancher les débats qui opposent encore aujourd’hui partisans et détracteurs de ce projet et qui traversent aussi l’Assemblée consultative régionale, le CESER Nouvelle-Aquitaine a tenu à exprimer des interrogations à clarifier, des conditions à réunir, et enfin des exigences à porter pour qu’un tel projet, s’il va à son terme, profite au mieux à la Nouvelle-Aquitaine, à ses territoires et à leurs habitants.

A ce stade le CESER propose enfin la relance d’une concertation approfondie, plus constructive avec les acteurs, les habitants… permettant une réelle prise en compte de la participation citoyenne et s’inscrivant dans le cadre d’une réflexion plus globale autour du modèle de mobilité demain.

 

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