Publié le : Jeudi 7 octobre 2021 - 09:01

Le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest qui vise à accroître les déplacements en train autour des métropoles de Bordeaux et Toulouse et entre les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, mais aussi à améliorer l'accessibilité ferroviaire à grande vitesse et à longue distance en France et en Europe vient de passer à la vitesse supérieure. L’Etat s’est en effet récemment engagé sur la réalisation de la première phase, sous réserve que le financement soit bouclé. La réalisation de la deuxième phase, vers Dax et l’Espagne, est quant à elle repoussée à un horizon plus lointain, au-delà de 2037.

Sans trancher les débats qui ont opposé et opposent encore aujourd’hui partisans et détracteurs de ce projet, le CESER Nouvelle-Aquitaine a souhaité présenter sa réflexion sur les conditions à réunir pour qu’un tel projet, s’il va à son terme, profite pleinement à la Nouvelle-Aquitaine et à ses territoires.

Pour le CESER l’enjeu premier à rappeler est bien celui de la sobriété des déplacements. Pour autant, il faut répondre aux besoins de mobilité en privilégiant les modes de transport faiblement émetteurs de gaz à effet de serre. Dans ce cadre, le transport ferroviaire est un atout à mobiliser. La LGV Bordeaux-Toulouse permettrait ainsi de concurrencer la voiture et l’avion entre Toulouse et Paris. Avec les aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux qui y sont liés, elle permettrait par ailleurs de libérer des sillons sur les voies actuelles, condition essentielle à la création du RER métropolitain autour de Bordeaux et au développement du report modal du transport de marchandises vers l’Espagne.

Ce projet, comme d’autres grands projets d’infrastructures, se situe au cœur d’enjeux contradictoires qu’il est nécessaire de mettre en balance, entre :

- d’un côté la nécessité de développer les alternatives aux modes de transports les plus polluants pour limiter, entre autres, l’empreinte carbone liée aux déplacements ;

- et de l’autre, la tout aussi nécessaire sobriété foncière et protection de la biodiversité, qui participent également à la lutte contre le changement climatique.

Les enjeux sont également financiers. Le CESER met en garde sur les dangers et limites d’un financement du projet, par des collectivités territoriales pour une grande partie. Alors que leurs ressources sont déjà limitées, un tel engagement au financement d’une infrastructure nationale hors champs de compétence, pourrait obérer leur capacité à financer les politiques publiques dans leurs propres domaines de compétence, à commencer par les transports du quotidien. Le CESER demande que la réalisation de la LGV, estimé à 13 milliards d’euros, ne se fasse pas au détriment du reste des liaisons. La mobilité intra régionale et l’amélioration des déplacements du quotidien doit rester la priorité des priorités du Conseil régional.

A ce jour, les éléments d’analyse manquent pour se prononcer pleinement sur le projet et de nombreuses questions restent en suspens que le CESER soumet au débat :

- le gain de temps sur le trajet, le report modal et les enjeux d’aménagement du territoire justifient-t-ils la consommation foncière induite, la démultiplication de la consommation énergétique, la destruction d’écosystèmes et de réseaux hydrographiques précieux, la réduction des puits de carbone utiles à l’atténuation du changement climatique ? Les besoins des territoires et acteurs concernés justifient-ils les coûts environnementaux et financiers induits ?

- les émissions de gaz à effet de serre dues à la construction de la ligne seront-elles compensées par le report modal espéré depuis le réseau routier (tant pour les voyageurs que pour le fret) ? A quelle échéance ?

- A partir de quel moment la sobriété des déplacements et le recentrage des échanges sur des territoires de proximité risquent-ils d'enrayer les nécessaires solidarités et coopérations territoriales ? Si ces préoccupations paraissent s’inscrire dans l’esprit d’une réduction des impacts écologiques, il convient de s’interroger sur une logique de repli sur soi, où l’attachement légitime au « local » viendrait s’opposer à l’ouverture aux autres et au besoin d’échanges, qui sont tout aussi indispensables au bien-être de nos sociétés.

Une réflexion globale sur la manière de dépasser ces enjeux contradictoires est indispensable. Au-delà de l’habituelle mise en balance des avantages et des coûts d’un projet, il est nécessaire d’identifier les lignes directrices, les critères permettant d’arbitrer de manière plus « objective » entre des enjeux contradictoires.

Cela suppose d’inscrire le projet de LGV dans une véritable stratégie d’ensemble prenant à la fois en compte :

- la concrétisation du report modal (à travers par exemple la nécessité de bilans carbone avant-projet, complets et reposant sur des hypothèses réalistes, afin de comparer les émissions avec et sans projet, ou avec des projets alternatifs) ;

- mais aussi les enjeux d’aménagement vertueux du territoire et de développement des coopérations interrégionales. Cette ambition ne pourra toutefois se concrétiser sans une véritable volonté politique de planifier et d’organiser cette stratégie, afin de répondre pleinement aux besoins des néo-aquitains.

La définition de telles lignes directrices permettrait, au-delà d’une approche au cas par cas, de déterminer les règles générales d’appréciation des grands projets d’infrastructure auxquelles les porteurs de projet puis, au moment de trancher, les pouvoirs publics pourraient se référer.

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