L’engagement budgétaire proposé par l’exécutif régional pour 2023, 3,6 Mds€ en crédits de paiements, marque un accroissement de + 9 % en comparaison du budget primitif 2022. Cette hausse est une des conséquences du choc inflationniste avec un accroissement des besoins et des projets dans un contexte économique de tensions multiples et de l’effort soutenu pour certaines politiques d’investissement, que le Conseil régional s’est efforcé de prioriser.
Dans un contexte de répétition de chocs ou crises, et comme il l’a déjà exprimé à l’occasion de l’examen des orientations budgétaires, le CESER ne peut que constater la faible marge de manœuvre dont dispose le Conseil régional pour compenser les effets sur son budget de la hausse des coûts de l’énergie, mais aussi de l’emprunt. L’équilibre du budget 2023 repose en effet sur un recours accru à l’emprunt (plus de 724 M€, soit + 10,7 %) et sur la hausse attendue, mais incertaine des recettes.
Depuis plusieurs années, le CESER pointe dans ses avis la complexité pour le Conseil régional d’être privé de véritables leviers fiscaux et s’interroge sur la soutenabilité de cette situation. En outre, l’État n’a toujours pas prévu de compenser l’impact des hausses de prix énergétiques sur les finances régionales, contrairement à ce qui a été décidé pour le bloc communal.
L’Assemblée soutient le choix du Conseil régional de ne pas sacrifier ses dépenses d’intervention, de continuer à investir. Pour autant, si les difficultés devaient perdurer, la trajectoire budgétaire actuelle, marquée par un recours croissant à l’endettement, pourrait ne pas être tenable, et ce d’autant plus que la hausse importante des taux d’intérêt entraîne une hausse de la charge de la dette. Par ailleurs, si le CESER a conscience de la difficulté d’élaborer un budget dans un contexte aussi incertain, il s’interroge sur le caractère conjoncturel des hypothèses sur lesquelles est bâtie la stratégie budgétaire régionale. Alors que l’accès à l’énergie ou encore à certaines matières premières (métaux par exemple) pourrait devenir, dans les prochaines années, plus difficiles, les difficultés rencontrées ne risquent-elles pas de devenir plus structurelles ? Les incertitudes sont et seront nombreuses, les questions à trancher délicates ; la réflexion mérite d’être dès à présent ouverte.
Plus largement, n’est-il pas temps de relancer une ambitieuse réforme territoriale autour des compétences et ressources des collectivités ?
Le CESER encourage le Conseil régional à poursuivre ses efforts pour accélérer les transitions énergétique, écologique et sociale à moyen et long termes et partage les orientations affichées en ce sens dans le projet de budget 2023, dont Néo Terra 2, enrichi du plan social et sociétal, « Néo Societas » proposé par le CESER ainsi que la mise en place d’éco-socio-conditionnalités des aides.
Concernant plus spécifiquement les dépenses affectées aux six piliers de l’action régionale, le CESER a formulé un certain nombre d’observations, de propositions ou de regrets…
Pilier 1 : développement économique – emploi
Le CESER appelle le Conseil régional à impulser, aux côtés de tous les acteurs, une démarche d’anticipation, fondée sur des diagnostics partagés, des prospectives territoriales, et des solutions co-construites. Il attire l’attention sur une nécessaire vigilance sur le secteur du tourisme social, et le développement d’un tourisme durable, respectueux des milieux, des habitats et des espèces. Il souhaite que la hausse des budgets dédiés à l’agriculture bénéficie aux pratiques d’agroécologie et renouvelle sa proposition que soit organisée une concertation sur le stockage de l’eau.
La hausse spectaculaire des engagements pluriannuels pour la formation professionnelle appelle des informations complémentaires. Si la raison évoquée est la « difficulté de recrutement des entreprises », le CESER considère qu’elle ne pourra être réglée par la formation professionnelle et par la mise en place de formations courtes, solution encore moins adaptée aux publics les plus éloignée de l’emploi. D’autres paramètres doivent être analysés comme la démographie, les changements sociétaux et de projets de vie… Des interrogations sont également soulevées sur le Plan d’Investissement dans les compétences (PIC), sur la prime exceptionnelle attribuée à certains chercheurs d’emploi sur des métiers spécifiques, sur les Tiers lieux de formation, sur l’observatoire de la filière formation, sur les partenariats région-ARACT…
Pilier 2 : jeunesse
La progression budgétaire en faveur de la politique « culture » masque des évolutions très contrastées. Elle est essentiellement due à une hausse des investissements (33,08 M€) liés aux contrats de plan État-Région et au service public télévisuel régional.
Concernant la ligne « sport », les arbitrages budgétaires se traduisent par une réduction du budget consacré à la politique sportive. Le CESER apprécie néanmoins la stabilisation du soutien à la pratique sportive pour tous et l’effort accru consenti en faveur du mouvement sportif.
L’engagement budgétaire dans le domaine de la santé concerne les compétences en matière d’appui aux structures de formations sanitaires et sociales et aux étudiants. Pour 2023, le budget prévoit une hausse sensible (fonctionnement des instituts de formation aux carrières sanitaires, bourses aux étudiants, construction des instituts). Le CESER sera plus largement attentif à la prise en compte de la dimension sanitaire dans l’ensemble des politiques d’intervention, dans l’attente de la feuille de route santé, de la démarche « Une seule santé » et du prochain Plan Régional Santé-Environnement.
Le budget prévu au profit de l’économie sociale et solidaire est en recul suscitant de réelles inquiétudes dans la mesure où ce chapitre concerne aussi une partie de la population la plus fragile. La même inquiétude concerne l’engagement régional en faveur de la vie associative, marqué par une baisse drastique des crédits relatifs au soutien à l’emploi associatif, compensée en partie par une augmentation des crédits consacrés au développement de la vie associative. Le CESER appelle l’attention sur les vives inquiétudes du monde associatif amené à répondre à un régime d’aides ciblées et de plus en plus sélectives ou de faire appel à des fonds privés. Il serait dommageable que cela soit fait au détriment des associations dans le domaine de l’inclusion des populations les plus défavorisées, de la diversité des associations, de l’émergence de projets et d’une précarisation accrue des emplois associatifs.
Dans le domaine de l’enseignement supérieur, l’idée de donner aux lycées une fonction de campus de proximité interpelle le CESER, qui souligne le risque d’une université à deux vitesses.
Pilier 3 : aménagement du territoire
De manière générale, le CESER souligne la progression sensible des dépenses en faveur des transports et de la mobilité et salue l’engagement réaffirmé en faveur du transport ferroviaire. 880 M€ correspondent à l’engagement régional pluriannuel en faveur de GPSO. Le CESER réaffirme que les mobilités du quotidien doivent rester «la priorité des priorités ». Décarboner les mobilités, favoriser le report modal, tout en luttant contre la précarité énergétique qui touche de nombreux ménages, implique de développer une offre de transport adaptée aux besoins des territoires.
En 2023, la Région continuera par ailleurs de financer des opérations routières, pour notamment, le désenclavement de Limoges et du Limousin. La position régionale sur une possible concession autoroutière entre Poitiers et Limoges mériterait d’être précisée.
Le CESER note une forte mobilisation des crédits de paiement (60 M€) dédiés au déploiement du très haut débit dans les territoires et souhaite disposer d’un bilan global de l’avancée du programme régional. Au-delà, il attire l’attention sur des éléments plus qualitatifs : le fort recours à la sous-traitance pour le déploiement du réseau n’est pas sans poser de question techniques (sur la qualité des raccordements par exemple) et sociales (en termes notamment de conditions de travail dégradées, de recours aux travailleurs détachés…). Enfin, alors que de plus en plus de démarches, notamment administratives, se font en ligne, une part importante de la population, faute d’un accès à internet ou manquant des connaissances de base, est exclue ou en difficulté face au numérique. Au-delà de l’aménagement numérique du territoire, l’enjeu des usages des services et outils numériques doit apparaître plus clairement dans la stratégie régionale.
Alors que l’exigence de sobriété foncière s’impose de plus en plus aux territoires dans le cadre du SRADDET, posant en particulier la question essentielle de l’accès au logement, que la revitalisation des centres-bourgs et centres-villes demeure une priorité, la réduction de dépenses dans le projet de budget interroge. Par ailleurs, bien que le Conseil régional ne dispose en matière de logement que d’une compétence très générale aux côtés de l’État et des autres collectivités territoriales, la baisse des crédits d’investissement dans ce domaine, qui affecte aussi bien le logement des jeunes (- 4 %) que le logement dans les centres-bourgs, constitue une déception pour le CESER.
Pilier 4 : transition énergétique et écologique
Dans un contexte économique contraint, les enjeux de la transition écologique et énergétique sont mieux pris en compte dans l’ensemble des politiques sectorielles. Ces choix et évolutions sont salués, comme les réflexions engagées pour présenter un « budget vert », qui donnerait davantage de visibilité quant aux conséquences environnementales des politiques de la Région.
En-dehors d’une augmentation liée au transfert des espaces Natura 2000, le budget dédié à la biodiversité, l’eau, les déchets, l’économie circulaire reste stable et les politiques menées s’inscrivent dans la continuité.
Le CESER approuve enfin l’engagement régional (au travers du Plan pluriannuel d’investissement dans les lycées) en faveur d’une réduction des consommations d’énergie et de l’utilisation d’énergies renouvelables. Les 140 M€ de surcoûts entraînés par l’inflation des prix de l’énergie en 2023, montrent l’intérêt et la nécessité de ces investissements sachant que la Nouvelle-Aquitaine est loin de respecter la trajectoire fixée dans le SRADDET d’une réduction de moitié des consommations d’énergie d’ici 2050.
Retrouvez l’intégralité de l’avis du CESER « Budget primitif - Rapport de présentation / Exercice 2023 ».